Professeur des universités et spécialistes des questions fiscales et économiques, Augustin Mbangala Mapapa est un analyste patenté et chroniqueur inconditionnel de l’actualité socio-économique en République Démocratique du Congo. Dans tout ce qui est relatif à l’economie, cet universitaire de haute facture a souvent eu son mot à placer, question d’élucider certaines zones d’ombre pour le bien des intellectuels, des dirigeants ainsi que celui des férus du secteur socio-économique. La présente tribune faite par lui s’inscrit justement dans cette logique.
Le Professeur Augustin Mangala Mapapa s’exprime:
Le droit de douane, matière par excellence de l’économie internationale, est vieux comme le monde. Il peut être défini comme une taxe prélevée sur des produits étrangers permettant ainsi au pays importateur de protéger son économie. Ce contingentement rend plus cher le produit étranger et décourage son importation réduisant ainsi sa consommation dans le pays importateur en favorisant les industries locales.
C’est à cette politique économique que recourt le Président américain Trump et son administration en prenant une salve de mesures protectionnistes sans précédent pour protéger l’économie nationale américaine.
Plusieurs pays ont vu augmenter les droits de douane américains appliqués sur leurs exportations. Aucun continent n’a échappé à ces mesures. La Chine et l’Union européenne étant les plus frappées.
En Afrique, ces taxes douanières américaines sont établies en deux parties. Dans la première, il s’agit d’un tarif de base de 10 % qui frappe toutes les importations américaines en provenance des pays africains. La deuxième partie concerne les taxes douanières ciblées plus élevées sur certains produits africains. C’est ainsi que le Lesotho s’est vu infligé 50 % des droits de douane américains sur son textile, 47 % pour le Madagascar, des taux douaniers de 30 % sont signalés pour les produits Sud-africains et algériens, 21 % pour le Cacao ivoirien, 11 % pour le Cameroun et la RDC, etc. rendant ainsi incertain l’AGOA (African Growth and Opportunities Act) signés entre les USA et les pays Sub-Sahariens éligibles qui exonère leurs exportations des droits de douane et sans obligations de réciprocité.
Cette généralisation des tarifs douaniers américains risque d’avoir un impact négatif sur l’économie mondiale dont les effets perturbateurs ont été sentis sur les marchés financiers mondiaux, à commencer par ceux des USA.
Première conséquence, ces mesures douanières américaines vont entraîner des mesures de réciprocité justement pour parer les taxes douanières américaines, déclarant ainsi une guerre commerciale sans précédent et sans fin.
A ce sujet et à juste titre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dénoncé « un coup dur pour l’économie mondiale », avertissant que ces barrières douanières auront pour conséquence une montée de l’inflation. Cela s’explique dans ce sens que les tarifs douaniers américains vont restreindre les échanges commerciaux et faire monter les prix des produits et services sur les marchés.
En effet, point n’est besoin de montrer qu’un contingentement tarifaire généralisé est pénalisant pour l’économie mondiale et un musèlement ou privation de la consommation des produits étrangers « désireux » dans le chef du pays qui l’applique. Car, le pays limite le choix de consommation de sa population, en l’occurrence les américains, à certains produits spécifiques qui seront dorénavant fabriqués sur place pour lesquels sa compétence est limitée.
L’économiste britannique (772-18823) risque de se retourner dans sa tombe avec sa théorie des avantages comparatifs, ayant affiné davantage la théorie d’Adam Smith en la matière, qui encourage le libre-échange. Selon cette théorie, « Deux pays ont en fait intérêt à se spécialiser dans les biens pour lesquels ils ont un avantage comparatif (ou relatif) et les échanger contre ce qu’ils ne produisent pas ». Ce faisant, l’économie nationale n’affectera pas des ressources pour fabriquer des produits que l’on pourrait importer à moindre coût en réallouant ses ressources dans les secteurs où son économie dispose d’un avantage comparatif, évitant ainsi un gaspillage de ressources.
Face à ces mesures, quelles leçons tirées pour les économies africaines ?
Les décisions douanières américaines sur les produits africains vont à coup sûr fragiliser les économies africaines concernées.
Les mesures de réciprocité des pays africains touchés par cette mesure n’aura aucun effet pour les USA. Car les échanges commerciaux entre l’Afrique et les USA profitent plus aux pays africains qu’au pays de l’oncle Sam. En 2024, les exportations africaines ont représenté plus de 48,9 milliards de dollars, la balance commerciale américaine étant déficitaire d’environ 6,9 milliards de dollars dans ces échanges.
Les africains doivent intensifier l’intégration régionale qui apparaît être des stratégies économiques et commerciales essentielles pour accroître les échanges au niveau africain. En effet, le continent constitue un grand marché avec une population estimée à plus d’un milliard d’habitants. La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) en est un exemple à encourager.
Enfin, le moment est venu, plus de soixante ans après les indépendances, aux pays africains de se lancer le défi de transformer leurs économies assises sur le secteur primaire en développant des industries de base pour la transformation de leurs matières premières minérales (pétrole, cuivre, cobalt, coltan, etc.) et agricoles (cacao, café, thé, etc) dans le continent. De telles stratégies contribueront à coup sûr à améliorer le pouvoir d’achat des africains.
Pr. Augustin Mbangala Mapapa