ESU-Revue Académique du Kwango/édition 2 du Colloque: « C’est une occasion pour nous en tant que scientifiques, experts du savoir, de remplir la troisième mission de l’Université, à savoir: le service à la communauté » (Pr Frédéric Kinkani)

Quelques jours seulement nous séparent du début de la tenue de la deuxième édition du Colloque organisé par la Revue Académique du Kwango pilotée par L’Association des Professeurs de l’Institut Supérieur et Pédagogique de Kenge (ISP/Kenge).
Ce colloque qui se déroulera du 04 au 06 août et dont le thème principal est « Environnement, éducation et développement dans le contexte congolais » verra les interventions de plusieurs professeurs des universités ainsi que d’un bon nombre de scientifiques qui viendront de tous les horizons.

L’un de principaux intervenants, le Professeur Ordinaire Frédéric-Adelbert Kinkani Mvunzi Kamosi, approché par la rédaction de *Séminariste.cd, n’a pas fait l’économie de mots pour mettre en exergue l’importance d’une telle activité dans une province où, sur le plan du développement intégral, la mayonnaise tarde à prendre.

Séminariste.cd: 1. Bonjour Monsieur le Professeur ! Je rappelle que vous êtes Professeur Ordinaire et Intervenant lors de la deuxième édition du colloque scientifique du Kwango qui se pointe à l’horizon. Quelle est l’opportunité de telles assises au moment où cette province est confrontée à des défis majeurs de développement ?

Professeur Frédéric-Adelbert Kinkani:C’est avec joie que j’entends participer à ce deuxième colloque interdisciplinaire qu’organise l’Association des Professeurs de l’Institut Pédagogique de Kenge. Je considère personnellement que ce colloque constitue une occasion pour réfléchir sur les conditions de développement de notre société, spécialement l’espace grand Bandundu qui est mis en vedette. Naturellement, se tenant à Kenge, capitale provinciale du Kwango, celle-ci constituera en elle-même le point de départ de plusieurs réflexions. La visée est sûrement de voir ce que nous sommes et où voulons-nous aller.
Peut-on savoir ce qu’on est et où on veut aller sans la science? Non!
C’est donc une occasion pour nous en tant que scientifiques, experts du savoir, de remplir la troisième mission de l’université, à savoir : le service à la communauté. La science doit donc faire ses preuves d’être le levier de développement et de croissance pour rejoindre l’esprit de ce que pensait Bethoveen: « seuls la science et les arts élèvent l’homme à la divinité ». Or, la divinité a ceci de particulier de créer toutes choses nouvelles. Alors, c’est là tout le problème. Que créons de nouveau avec et par notre science? Bien plus, est-ce que la communauté laisse à la science l’occasion de jouer à l’œuvre de la création, de l’innovation et de la reconstruction ? Ou les scientifiques sont devenus ces apôtres qui crient dans le désert !

Sém.cd: Parlant du sous-thème que vous allez développer « Altericide et naufrage communautaire en terre kwangolaise. L’art d’avoir toujours tort comme paradigme de réunion et de réinvention. » Quelle est la quintessence de ce sous-thème et pourquoi l’avoir chosi?

Pr FAK: Je suis parti de rien pour intuitionner sur ce sous-thème que j’entends aborder. Je le considère simplement comme une provocation. Pour moi, l’altercide, c’est la mort de l’autre. Faisant un examen de la situation du Kwango en particulier, et du grand Bandundu en général, j’ai constaté – je peux me tromper évidemment – que la société se décompose avec une vitesse à cause du développement scandaleux des egos surdimensionnés. Du coup, en pensée et en action, l’autre devient un danger, un obstacle… et on applique « pesa munu passage »!
Cette situation ne s’arrête pas là. Elle est en elle-même la base du naufrage communautaire parce que l’autre, de son côté, refuse de mourir. Et même s’il mourait, le petit couteau (au sens large du terme) reste.
Bien plus, je me permets de considérer qu’aujourd’hui, à la faveur d’une décentralisation pas forcément bien pensée, la communauté disparaît au profit des demeures closes, de la territorialité. J’en prends pour preuve la gouvernance rotative instaurée, consciemment ou inconsciemment dans nos provinces. En lieu et place de consolider l’unité qui est un levier de développement, cette politique a donné lieu à la territorialité. À la clé, une dangereuse double dialectique : « c’est notre tour » – « c’est leur tour », etc.
Face à cette réalité qui démobilise, faut-il déclarer, à la suite de Nietsche que « nos sociétés sont mortes » (en langue locale : bwala me fwa)?
Aussi, face à ce genre de situations, la tendance générale aujourd’hui, et qui désagrège davantage notre société, c’est d’identifier les coupables de cette impitoyable réalité.
Pour ma part, je pense que chacun, chaque acteur social et/ou politique, devrait, en lieu et place d’avoir raison, développer l’art d’avoir tort. Se dire que j’en suis pour quelque chose dans ce qu’est devenue la société, et moi, peut-être plus que d’autres.
Ce paradigme, aussi banal paraît-il, constitue un moment important pour recréer la commun-auté, de se retirer du naufrage et d’envisager en symphonie la marche souhaitée pour la communauté.
Je considère donc, tout peut être fait tel qu’on aurait voulu, mais sans cohésion, sans esprit commun-autaire réel, tout sera toujours affaire des autres.

Sém.cd: « Environnement, éducation et développement dans le contexte congolais », ce thème paraît très actuel. Mais pensez-vous qu’il est au diapason des réalités de la ville et de la province où le colloque se tient?

Pr FAK: Je pense que cette thématique tombe à point nommé. À mon sens, l’ambition de développement repose sur la capacité à comprendre son environnement immédiat dans toutes ses facettes, d’interroger la place, le rôle et le type d’éducation qui convient pour atteindre les objectifs de développement. Ici l’éducation devrait être perçue dans son sens le plus inspirant de educere (sortir de, tirer hors de, faire sortir). Il va sans dire que l’éducation a ce pouvoir de faire opérer des mutations qui conviennent. Avec l’éducation, on peut tout, surtout le bien.
Et donc on ne peut aujourd’hui faire économie de réfléchir et de toujours réfléchir pour tirer nos sociétés de leurs cavernes ontologiques et existentielles.

Sém.cd: Après ce colloque, quels sont les résultats que vous attendez aussi bien de l’assistance que de vos étudiants?

Pr FAK: Je pense être le plus bref sur cette question : nous scientifiques sommes des simples « bons » couturiers. Pendant les assises de ce colloque, chacun des conférenciers confectionnera des prêts à porter. Il reviendra à chaque citoyen, aux gouvernants, de prendre la taille qui convient avec tout le sens de la mesure que cela implique.

Sém.cd: Merci, Monsieur le Professeur, de nous avoir accordé quelques bonnes minutes de votre précieux temps afin de nous édifier quant à ce colloque organisé par l’Association des Professeurs de l’ISP Kenge

Pr FAK: C’est à moi de vous remercier, Monsieur le Journaliste.

Propos recueillis/Guylain Boba

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